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L’introduction du pronom « iel » en français : une évolution linguistique controversée.

L’ajout du pronom « iel » dans Le Petit Robert a déclenché un débat passionné entre linguistes, personnalités publiques et militants. Faut-il voir cette innovation comme une avancée vers une langue plus inclusive ou une rupture avec la structure du français ? Alors que certaines langues ont déjà intégré des solutions neutres, le français semble pris dans une tension entre tradition et modernité. Décryptage d’un débat aussi linguistique que sociétal.

En octobre dernier 2021, le dictionnaire Le Petit Robert a intégré dans sa version en ligne le pronom personnel « iel », défini comme un pronom sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour désigner une personne sans préciser son genre. Cette décision s’inscrit dans une revendication portée par des personnes non-binaires et des mouvements militants en faveur de l’inclusivité linguistique. Toutefois, cet ajout a suscité de vifs débats dans les sphères linguistiques, politiques et médiatiques.

Si l’apparition d’un nouveau pronom pourrait sembler anodine, elle interroge en profondeur le rapport entre la langue, la société et l’évolution des usages. Faut-il accepter ces innovations au nom du progrès social ou, au contraire, défendre l’intangibilité des structures linguistiques ? Cette controverse illustre la tension constante entre la norme linguistique et les mutations sociétales, questionnant le rôle des dictionnaires et la capacité du français à intégrer de nouvelles formes d’expression.

Les arguments des opposants : une atteinte à la stabilité linguistique ?

Pour de nombreux défenseurs d’une vision conservatrice de la langue française, l’introduction du pronom « iel » constitue une remise en question du système grammatical. Bernard Cerquiglini, linguiste et lexicographe, souligne ainsi que « les pronoms n’ont pas changé depuis le IVe siècle », et que toute modification de cette catégorie grammaticale serait une atteinte aux structures fondamentales du français.

Cette position est partagée par plusieurs personnalités publiques, dont Brigitte Macron, qui considère que « la langue française est si belle. Et deux pronoms, c’est bien », ou encore l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, qui estime que « la langue française est suffisamment complexe comme ça, nous n’avons pas besoin d’en rajouter ». Selon eux, l’ajout de nouveaux pronoms introduirait une confusion grammaticale et fragiliserait une norme qui a traversé les siècles.

Jean Pruvost, autre figure du monde linguistique, voit dans ce pronom une absurdité syntaxique et idéologique : « Le pronom ‘iel’ est inutile et discourtois. C’est une aberration. Sous couvert d’égalité, le masculin reste toujours devant le féminin : dans ‘iel’, ‘il’ est placé devant ‘elle’ » Ce type d’argument repose sur l’idée que l’évolution du français doit se faire de manière naturelle et progressive, sans intervention militante ou artificielle.

Un rôle descriptif pour le dictionnaire : observer plutôt que prescrire

Face à ces critiques, Le Petit Robert justifie sa décision en affirmant que la mission d’un dictionnaire est de rendre compte des usages émergents plutôt que de les valider ou de les condamner. « Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre », explique l’équipe éditoriale (Robert, 2021).

Cette position s’appuie sur une approche descriptive du lexique : un dictionnaire ne crée pas la langue, mais en reflète les évolutions et les innovations. L’usage du pronom « iel », bien que minoritaire, existe dans certaines communautés et sur certains supports, en particulier dans les milieux militants et numériques. Son intégration dans Le Petit Robert ne signifie donc pas son imposition, mais plutôt une reconnaissance de son existence.

Marc-Olivier Loiseau, chercheur en histoire de la langue, adopte une approche nuancée, suggérant que « cela peut ouvrir la discussion sur la non-binarité, comme cela a été le cas pour la féminisation des noms de métiers ». L’exemple de la féminisation des titres professionnels illustre en effet comment des revendications sociales peuvent influencer l’usage linguistique et, à terme, la norme officielle.

Le français face à une évolution globale des langues

Un débat linguistique aux enjeux sociétaux

La question de la non-binarité en langue ne concerne pas uniquement le français. Dans les espaces anglophones, l’usage de they au singulier est aujourd’hui largement répandu pour désigner une personne dont le genre n’est pas spécifié ou ne correspond pas aux catégories traditionnelles (Neveux, 2021). En espagnol, une autre solution a été proposée avec la terminaison neutre en -e, remplaçant les marqueurs de genre traditionnels en -o et -a. Ces initiatives témoignent d’une tendance plus large à l’adaptation des langues aux réalités sociétales contemporaines.

Le cas du français est cependant particulier, dans la mesure où la structure grammaticale repose sur un système fortement genré, notamment pour l’accord des adjectifs et des participes passés. Une question essentielle demeure donc : comment accorder le pronom « iel » avec les adjectifs et les participes ? Devrait-on dire « iel est vilain » ou « iel est vilaine » ? L’introduction d’un pronom neutre entraîne ainsi une série de questionnements grammaticaux non résolus, posant la question d’une réforme plus large du français.

 

Un débat linguistique aux enjeux sociétaux

La controverse autour du pronom « iel » dépasse largement le cadre linguistique. Elle met en lumière les tensions entre tradition et modernité, entre stabilité et adaptation, et révèle la capacité du langage à inclure ou à exclure certaines identités. Si la langue est un reflet de la société, son évolution est inévitablement influencée par les transformations culturelles et les débats idéologiques.

L’histoire montre que la langue française a déjà intégré de nombreux changements sous l’impulsion des usages sociaux : la féminisation des noms de métiers, la disparition du subjonctif passé simple ou encore l’abandon progressif de certaines règles d’accord. L’ajout du pronom « iel » s’inscrit potentiellement dans cette dynamique, bien que son avenir demeure incertain.

Ainsi, loin d’être une simple querelle lexicale, cette question interroge notre rapport au langage et à son rôle dans la construction des identités. Que l’on adhère ou non à cette évolution, elle illustre la manière dont une langue vivante continue de se transformer au fil du temps, sous l’effet des changements culturels et sociaux.

Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation

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