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Les langues créoles comme porte-mémoire de l’esclavage : synthèse de l’étude de Chapellon et Lamaison

L’article de Sébastien Chapellon et Denis Lamaison (2016) examine comment les langues créoles ont conservé et transmis la mémoire de l’esclavage à travers les générations. Cette synthèse présente les points clés de leur analyse interdisciplinaire, qui met en lumière les liens entre l’expérience traumatique de l’esclavage et les structures linguistiques des créoles. En explorant la place centrale du corps dans ces langues, les auteurs révèlent les mécanismes psychologiques et culturels par lesquels une histoire douloureuse continue d’influencer les sociétés postcoloniales. Cette étude offre une perspective unique sur la transmission transgénérationnelle du trauma et le rôle du langage dans la préservation de la mémoire collective.

“Mémoire effacée ? Les langues créoles porte-mémoire de l’esclavage”

L’article de Sébastien Chapellon et Denis Lamaison (2016) explore la façon dont les langues créoles, nées dans le contexte de l’esclavage colonial, servent de vecteurs à la mémoire collective de cette période traumatique. Les auteurs proposent une analyse interdisciplinaire, alliant histoire, psychologie et linguistique, pour examiner comment l’expérience de l’esclavage a laissé des traces profondes dans ces langues, en particulier à travers les expressions liées au corps.

Le texte s’ouvre sur le constat d’un “silence institutionnel” qui a suivi l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848. Cette occultation de l’histoire, motivée par le désir de promouvoir une image positive de la République, a eu des répercussions importantes sur la transmission de cette mémoire. Les auteurs soulignent que ce refoulement collectif n’a pas pour autant effacé les traces psychiques du traumatisme chez les descendants des populations asservies.

Chapellon et Lamaison examinent ensuite les conditions de vie des esclaves, mettant en lumière la déshumanisation systématique à laquelle ils étaient soumis. Le système esclavagiste a non seulement privé les individus de leurs droits fondamentaux, mais a également cherché à les dépouiller de leur identité culturelle et de leurs repères symboliques. Cette situation a engendré des mécanismes de défense psychique complexes, dont les effets se sont transmis à travers les générations.

Les auteurs s’appuient sur des concepts psychanalytiques pour expliquer comment cette expérience traumatique a pu se transmettre de manière inconsciente. Ils évoquent notamment les travaux de Freud sur l’intemporalité de l’inconscient et la théorie de la transmission transgénérationnelle du trauma. Selon eux, l’impossibilité de verbaliser l’expérience traumatique a conduit à une transmission non verbale, s’inscrivant dans les gestes, les attitudes et, de manière significative, dans la langue.

C’est dans ce contexte que les langues créoles prennent une importance particulière. Nées de la nécessité de communication entre des populations d’origines diverses, ces langues ont incorporé des éléments des langues africaines et européennes. Mais au-delà de leur fonction communicative, elles sont devenues, selon les auteurs, des réceptacles de l’expérience traumatique de l’esclavage.

Chapellon et Lamaison analysent de nombreuses expressions créoles, notamment celles utilisant le terme “kó” (corps), pour illustrer comment la langue est devenue un moyen de “crier secrètement” une douleur qui ne pouvait être exprimée autrement. Ces expressions métaphoriques auraient permis de mettre en circulation des “affects coincés”, les rendant partageables tout en les dissimulant aux yeux des maîtres.

Les auteurs soulignent également le rôle des proverbes créoles, ou “dolos”, comme vecteurs de cette mémoire collective. Ces expressions idiomatiques, souvent centrées sur le corps, sont interprétées comme des “signifiants corporels” permettant la transmission d’une expérience qui n’a pu être verbalisée directement.

L’article conclut en soulignant l’importance de ces langues créoles comme patrimoine culturel et historique. Elles constituent, selon les auteurs, un “pont entre les générations”, permettant l’expression différée d’une souffrance qui n’a pu être traitée au moment où elle a été vécue. Chapellon et Lamaison insistent sur la nécessité d’étudier et de préserver ces langues, non seulement pour leur valeur linguistique, mais aussi comme témoignages vivants d’une histoire douloureuse qui continue d’influencer le présent.

En conclusion, cet article offre une perspective originale sur l’héritage de l’esclavage, en montrant comment les langues créoles sont devenues des “porte-mémoire” de cette expérience traumatique. Il met en lumière la complexité des processus de transmission culturelle et psychologique, tout en soulignant la résilience et la créativité des populations qui ont su forger de nouveaux moyens d’expression face à l’adversité. Cette approche interdisciplinaire ouvre des pistes de réflexion fécondes sur la manière dont les sociétés postcoloniales continuent de négocier avec leur passé à travers le langage.

Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation

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