De l’Antiquité à nos jours, l’ambiguïté linguistique fascine les chercheurs et révèle les subtilités de notre communication. Phénomène omniprésent dans toutes les langues, elle met en lumière les mécanismes cognitifs complexes qui sous-tendent notre capacité à produire et interpréter le sens. Plongez dans les arcanes de ce phénomène linguistique qui défie notre compréhension et enrichit nos échanges.

L’ambiguïté linguistique est un phénomène fascinant qui a captivé l’attention des chercheurs en sciences du langage depuis l’Antiquité. Ce concept, à la fois simple dans son principe et complexe dans ses manifestations, se trouve au cœur de nombreuses problématiques linguistiques. En effet, l’ambiguïté peut être définie comme un cas de non-biunivocité entre formes et sens, donnant lieu à un choix nécessaire mais impossible entre plusieurs interprétations. Elle constitue ainsi un cas particulier d’univocité dédoublée, où une seule forme linguistique se trouve associée à plusieurs significations mutuellement exclusives.
Cette caractéristique fondamentale de l’ambiguïté la distingue d’autres phénomènes linguistiques apparentés, tels que la sous-détermination du sens (comme dans le cas du non-dit ou du sens flou) ou la sur-détermination du sens (comme dans le cas de l’implicite ou du cumul de sens). Contrairement à ces derniers, l’ambiguïté impose au récepteur un choix interprétatif, tout en rendant ce choix problématique en l’absence d’indices contextuels suffisants.
L’ambiguïté linguistique trouve sa source dans deux phénomènes distincts : l’homonymie et la polysémie. L’homonymie correspond à l’existence de plusieurs unités linguistiques distinctes partageant une même forme, tandis que la polysémie désigne la multiplicité des sens associés à une seule et même unité linguistique. Cette distinction est cruciale pour comprendre les différents mécanismes à l’œuvre dans la production et l’interprétation des énoncés ambigus.
En tant que fait de langue, l’ambiguïté se manifeste à tous les niveaux de l’analyse linguistique. Au niveau morphologique, elle peut résulter de difficultés de segmentation, de choix de catégorie grammaticale ou d’identification de valeurs morphologiques. Au niveau lexical, elle peut provenir de problèmes de découpage, d’identification de lexèmes homonymes ou d’interprétation de lexèmes polysémiques. La syntaxe n’est pas en reste, avec des ambiguïtés liées au rattachement des groupes ou à l’identification de leurs fonctions. Les niveaux sémantique, discursif et pragmatique sont également concernés, avec des problématiques spécifiques telles que la hiérarchisation des opérateurs, l’identification des constituants thématisés ou focalisés, ou encore le calcul de la valeur illocutoire des énoncés.
Cette omniprésence de l’ambiguïté dans le système linguistique soulève des questions fondamentales sur le fonctionnement du langage et les processus cognitifs impliqués dans la communication. Comment les locuteurs parviennent-ils à gérer cette complexité inhérente à la langue ? Quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour produire et interpréter des énoncés potentiellement ambigus ?
Du côté du récepteur, la gestion de l’ambiguïté implique des processus complexes de traitement de l’information linguistique. Le contexte joue un rôle crucial dans ce processus, qu’il s’agisse du contexte linguistique immédiat ou du contexte extralinguistique plus large. Les études psycholinguistiques ont mis en lumière différentes hypothèses sur le mode d’intervention des connaissances linguistiques et sur l’activation des sens possibles lors du décodage d’expressions ambiguës. Ces recherches soulignent la rapidité et l’efficacité remarquables avec lesquelles le cerveau humain traite généralement l’ambiguïté, souvent de manière inconsciente.

Cependant, il arrive que l’ambiguïté ne soit pas résolue, donnant lieu à des malentendus ou à des quiproquos. Ces situations mettent en évidence la complexité des processus interprétatifs et l’importance des inférences dans la construction du sens. Elles rappellent également que la communication n’est jamais un processus totalement transparent et que l’ambiguïté, loin d’être un simple “bruit” dans le système, peut parfois jouer un rôle fonctionnel dans les interactions langagières.
Du côté de l’émetteur, la production d’énoncés ambigus peut être involontaire ou délibérée. Dans le premier cas, elle témoigne de la difficulté inhérente à la formulation précise de la pensée et de la complexité des mécanismes de production langagière. L’émetteur peut toutefois mettre en œuvre diverses stratégies pour éviter ou corriger les ambiguïtés potentielles, anticipant ainsi sur le décodage de son message. Dans le second cas, la production volontaire d’ambiguïtés peut servir différents objectifs communicatifs, allant de la dissimulation à la création d’effets stylistiques ou humoristiques.
L’étude de l’ambiguïté linguistique a connu des phases d’intérêt variable au cours de l’histoire des sciences du langage. Après avoir été un thème de recherche particulièrement fécond dans les années 1980, notamment en lien avec la syntaxe générative et le traitement automatique des langues, elle semble avoir cédé le pas à l’étude de la polysémie depuis la fin des années 1990. Cependant, ces deux phénomènes étant intimement liés, on peut s’interroger sur la pertinence d’une approche qui les dissocierait complètement.
En conclusion, l’ambiguïté linguistique apparaît comme un phénomène central pour comprendre le fonctionnement du langage dans toute sa complexité. Elle met en lumière les limites et les potentialités du système linguistique, tout en soulignant l’importance des processus cognitifs et des facteurs contextuels dans la communication. Son étude ouvre des perspectives fascinantes sur la nature même du langage humain et sur les mécanismes qui permettent aux locuteurs de naviguer dans l’océan de sens potentiels que constitue toute langue naturelle. Loin d’être un simple obstacle à la communication, l’ambiguïté peut ainsi être vue comme une caractéristique fondamentale du langage, participant à sa richesse et à sa flexibilité. Elle invite à repenser nos conceptions de la signification et de l’interprétation, en les ancrant dans une vision dynamique et contextuelle du sens linguistique.
Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation