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Genèse des langues créoles: Quand les cultures se rencontrent et se mélangent

Nous savons que les créoles sont des langues nées du mélange des langues africaines avec des langues européennes, mais nous savons moins de choses sur leur processus de création. Cet article vous éclairera sur le processus de création des langues créoles.

Introduction

Les langues créoles représentent un fascinant objet d’étude pour les linguistes, témoignant de rencontres improbables entre peuples et cultures à l’époque de la grande expansion coloniale européenne. Nées du métissage inédit entre langues européennes apportées par les colons et langues autochtones, principalement africaines dans le contexte de la traite négrière, ces parlers créoles incarnent la genèse d’identités culturelles nouvelles, forgées dans le creuset des colonies lointaines des Nouveaux Mondes.

Fruit de contacts linguistiques complexes, les créoles constituent un phénomène singulier qui interpelle et soulève de riches questionnements chez les spécialistes. Quelles furent les conditions précises ayant permis leur émergence ? Par quels processus ces mélanges linguistiques inédits se sont-ils peu à peu cristallisés en véritables langues à part entière, avec leurs systèmes phonologiques, grammaticaux et lexicaux propres ? Si une grande diversité de parlers créoles existe aujourd’hui à travers le globe, reflétant les multiples situations coloniales, quels sont les points communs structurels qui les unissent en dépit de leurs origines distinctes ?

Origine du terme « créole »

Le terme « créole » révèle une riche histoire linguistique aux origines lointaines. Issu des mots portugais « crioulo » et espagnol « criollo », signifiant primitivement « nourrir » ou « élever », il désignait à l’origine les « serviteurs nourris dans la maison » des colons européens. Par la suite, cette appellation s’étendit aux personnes « nées et élevées sur place », c’est-à-dire les enfants de ces colons nés dans les colonies du Nouveau Monde. Le terme prit alors une dimension supplémentaire en s’appliquant également aux Noirs nés dans ces territoires lointains, qualifiés de « Noirs créoles ». Dès lors, la langue parlée par cette population métissée, fruit des rencontres linguistiques dans ces nouveaux espaces, fut elle-même baptisée “créole”, révélant les premières spécificités de ce parler en émergence. Le vocable finit par englober plus largement tout ce qui était issu et caractéristique des colonies : cochon créole, café créole, témoignant de la cristallisation d’une identité culturelle propre.

Le processus de créolisation

Bien que disséminées à travers la planète, ces langues créoles présentent un point commun frappant : la plupart sont nées durant la même période historique, aux XVIe et XVIIe siècles, dans le sillage de la traite négrière transatlantique. Toutes partagent la particularité d’être des langues mixtes, c’est-à-dire issues d’un métissage linguistique, d’un mélange de langues en contact et tous sont nés sur des îles. Si les linguistes s’accordent sur ces points fondamentaux, un débat persiste sur les modalités précises qui ont présidé à la formation de ces parlers créoles. Différents spécialistes de renom ont proposé des théories à ce sujet, avançant des arguments solides mais partiels, faute de documentation historique suffisamment étayée.

Parmi ces linguistes figurent Suzanne Comhaire-Sylvain, Derek Bickerton et Robert Chaudenson. Ce dernier, qui a étudié le créole de La Réunion, a développé une hypothèse séduisante expliquant la genèse créole en trois grandes phases, intimement liées aux différentes vagues de déportation d’esclaves africains vers les Amériques. La première, qualifiée de « période d’installation », vit les premiers captifs arrivés, encore peu nombreux face à la population blanche, devoir s’approprier des rudiments de la langue coloniale, principalement le français, pour se faire comprendre de leurs maîtres. Selon Chaudenson, cette phase initiale se caractérisa moins par l’émergence d’un véritable pidgin que par « la réalisation d’approximations du français par des locuteurs qui, par ailleurs, conservaient, en partie, l’usage de leur langue d’origine ».

S’ensuivit une seconde période marquée par les grandes vagues de déportations massives d’esclaves africains vers les colonies. Arrivant en rangs serrés, ces nouveaux captifs, pour la plupart assignés aux champs et donc avec peu de contacts directs avec les colons blancs, prirent connaissance du français essentiellement par l’intermédiaire des premiers arrivés, généralement domestiques, qui n’en avaient eux-mêmes acquis qu’une forme très approximative. De ce français approximatif déjà déformé, les nouveaux venus ne saisirent à leur tour qu’une « approximation d’approximation », selon le terme usité par certains linguistes, engendrant un éloignement supplémentaire du français d’origine. Au bout de deux générations d’esclaves, la machine créole était désormais enclenchée.

La troisième phase fut marquée par une autre vague massive de déportations depuis l’Afrique. Ces derniers arrivants furent confrontés à un processus de créolisation désormais bien amorcé, ne connaissant eux-mêmes que peu ou pas le français des colons. Mais il est important de souligner qu’entre-temps, durant la phase précédente, de nombreux enfants étaient nés de parents esclaves, coupés de leurs langues maternelles africaines et avec un accès restreint au français. C’est ainsi que ces parents ont transmis à leurs enfants un parler métissé, mêlant des réminiscences de leurs idiomes d’origine et les formes déformées et approximatives du français qu’ils avaient glanées. Ayant désormais des locuteurs natifs, ce créole émergent put alors se fixer progressivement, sa phonologie, sa syntaxe et sa morphologie se régularisant au fil des générations.

Points communs entre les créoles

Au-delà de leur genèse commune, de nombreux traits structurels rapprochent les différents créoles à travers le monde. L’un des plus caractéristiques est le redoublement emphatique, comme dans ces exemples : « sé manjé m ap manjé » (créole des Antilles françaises), « a nyam mi a nyam » (créole de la Jamaïque), « come mi ta come » (papiamento). La thèse de Rénauld Govin, linguiste haïtien, met d’ailleurs en lumière de nombreuses similitudes entre le créole haïtien et d’autres variétés comme celle de la Jamaïque. Son travail signale également l’apparition d’un nouveau créole, celui de Bombita, résultant du contact entre le créole haïtien et l’espagnol dominicain.

Le nombre de créoles dans le monde et quelques faits marquants sur le créole haïtien

Si l’on sait aujourd’hui qu’il existe une grande diversité de langues créoles à travers la planète, il demeure difficile d’en établir un décompte précis. Toutefois, le linguiste Hancock en avait dénombré 127 variétés différentes dès 1977. Parmi les plus répandues, on peut citer celles issues du lexique anglais (Hawaï, Jamaïque, Mélanésie avec le beach-la-mar, bislama, etc. ainsi qu’à Sainte-Lucie), du français (Haïti, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Seychelles, La Réunion), de l’espagnol (Porto Rico) ou encore du portugais (îles du Cap-Vert).

Quelques faits marquants méritent d’être soulignés au sujet du créole haïtien, l’une des variétés les plus célèbres. Ainsi, le premier texte attesté écrit dans cette langue serait un poème de 1757 intitulé « Lisette quitté la plaine » et dû à Duvivier de la Mahotière – certains y voient même le tout premier écrit dans une langue créole. D’autre part, le créole haïtien fait figure de créole le plus étudié par les linguistes à ce jour. C’est également le seul créole pour lequel existent des applications de traduction comme Google Translate ainsi qu’un cours sur la plateforme Duolingo, témoignant de son rayonnement. Enfin, fait remarquable, cette langue issue de la colonisation est devenue l’une des langues officielles de l’État de New York depuis 2008, illustrant le chemin parcouru.

Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation

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