Cet article explore la conception du langage de Wilhelm von Humboldt, philosophe et linguiste du XIXe siècle, et son impact sur la pensée et la culture. Humboldt propose que chaque langue possède une structure unique qui façonne la manière dont ses locuteurs perçoivent le monde, influençant leur pensée et leur expérience. Il voit la langue non pas comme un simple outil de communication, mais comme une activité dynamique et créatrice, où langage et pensée interagissent dans un processus réciproque. Cet article présente les idées essentielles de Humboldt et leur importance dans les études linguistiques et culturelles.
Wilhelm Von Humboldt, linguiste et philosophe allemand du XIXe siècle, a profondément influencé la manière dont nous concevons le lien entre langage et pensée. Partant d’une perspective à la fois anthropologique et philosophique, Humboldt propose que le langage n’est pas simplement un outil de communication, mais un vecteur essentiel de la pensée, influençant notre vision du monde et structurant notre expérience de la réalité. Contrairement à une conception instrumentale, il voit le langage comme une activité vivante, en constante évolution, qui façonne notre perception et nos interactions avec le monde.
Pour Humboldt, la langue ne se contente pas d’exposer des pensées préexistantes ; elle est une force active qui génère les pensées elles-mêmes. Ce lien intime entre langue et pensée est ce qui constitue, selon lui, la spécificité de l’expérience humaine. La langue est à la fois une création de l’esprit et une forme qui contraint cet esprit, imposant des limites aux idées que les individus peuvent exprimer et conceptualiser. Ainsi, chaque langue incarne une « vision du monde » particulière, et cette diversité linguistique est essentielle pour comprendre la diversité des cultures et des sociétés humaines. Humboldt développe cette idée de « Weltansicht » (vision du monde), qui sera reprise plus tard dans l’hypothèse de Sapir-Whorf, selon laquelle la langue conditionne notre perception et compréhension de la réalité.

L’approche de Humboldt sur le langage est marquée par une conception organique et dynamique. Il considère le langage comme un processus continu, une « énergie » (energeia) en action, plutôt qu’un « objet » (ergon) figé. Ce point de vue contraste avec les études linguistiques de son époque, qui se concentraient sur des structures grammaticales statiques. Pour Humboldt, la langue est une manifestation vivante de l’esprit humain, une activité sans cesse renouvelée par les locuteurs dans leurs interactions quotidiennes. Cette perspective permet de saisir le langage comme une force créatrice qui donne forme à la pensée et à la culture, et qui évolue en fonction des besoins et des expériences des communautés linguistiques.
Humboldt reconnaît également le caractère empirique et généalogique des langues, soulignant l’importance de l’histoire et de l’évolution des langues dans la formation de la pensée. À une époque où le comparatisme linguistique s’intéressait à l’origine commune des langues, Humboldt se distingue en insistant sur la singularité et la richesse de chaque langue individuelle. Chaque langue, selon lui, possède une « forme interne », une structure unique qui influence la manière dont ses locuteurs perçoivent et interprètent le monde. Cette diversité linguistique reflète la diversité des cultures humaines, et Humboldt défend l’idée que l’étude des langues doit embrasser cette diversité pour accéder à une compréhension profonde de l’esprit humain.
L’une des contributions majeures de Humboldt est sa théorie de l’interaction réciproque entre langue et pensée. Contrairement à l’idée que le langage est simplement un reflet de la pensée, Humboldt soutient que les deux éléments se nourrissent mutuellement. La langue donne forme à la pensée, tandis que la pensée, en retour, enrichit et modifie la langue. Cette relation dialectique signifie que le langage est à la fois déterminant et déterminé. Par exemple, lorsqu’un individu s’exprime, il crée une forme linguistique qui ne préexistait pas sous cette forme spécifique ; en même temps, cette expression est façonnée par les structures grammaticales et les lexiques propres à sa langue maternelle. Cette dynamique de création et de contrainte est ce qui, selon Humboldt, rend le langage fondamentalement humain.

L’approche de Humboldt intègre également une dimension transcendantale, inspirée de Kant. Il postule que le langage fonctionne comme une médiation entre le sujet pensant et le monde extérieur, rendant l’expérience intelligible et partageable. Humboldt suggère que la structure grammaticale d’une langue est plus qu’une simple convention ; elle reflète une vision du monde particulière, qui conditionne la manière dont les locuteurs perçoivent la réalité. Par exemple, les différences de genre, de temps ou de mode dans les langues influencent la manière dont les locuteurs conçoivent des concepts comme le passé, l’avenir ou l’identité. Ce conditionnement est si profond qu’il façonne non seulement l’expression individuelle, mais également les normes sociales et culturelles de la communauté linguistique.
L’interprétation du langage par Humboldt va au-delà des considérations purement linguistiques. En étudiant les structures linguistiques, il cherche à atteindre une compréhension plus vaste de l’esprit humain et de la manière dont les individus et les groupes façonnent leur réalité. Cette perspective est ce qui a fait de Humboldt une figure centrale de la philosophie du langage, inspirant des générations de linguistes et de penseurs. Sa vision du langage en tant qu’entité organique, capable de modeler la pensée et la culture, reste une référence majeure pour ceux qui cherchent à comprendre les interactions entre langue, société et individu.
En conclusion, Wilhelm von Humboldt nous offre une vision complexe et nuancée du langage en tant que force active et essentielle dans la formation de la pensée et de la culture. Sa conception du langage comme processus dynamique, où la langue et la pensée interagissent et se transforment mutuellement, nous invite à voir la diversité linguistique non comme une barrière, mais comme un moyen d’enrichir notre compréhension du monde. Cette approche humaniste et anthropologique nous rappelle l’importance de préserver et d’étudier les langues dans toute leur diversité, afin de saisir les multiples visions du monde qu’elles incarnent et les contributions uniques qu’elles apportent à l’expérience humaine.
Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation