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La langue maternelle : entre mythe et réalité dans un monde multilingue

Dans un monde de plus en plus globalisé, la notion de langue maternelle se complexifie. Cet article explore les réalités du multilinguisme, défie les idées reçues sur la pérennité de la langue première, et examine les enjeux psychologiques et sociaux liés à la coexistence de plusieurs langues chez un même individu.

Introduction

La langue maternelle, souvent considérée comme un pilier immuable de notre identité, est au cœur de nombreuses croyances populaires. “Une langue maternelle ne s’oublie jamais”, “la langue maternelle est celle que l’on parle le mieux” – ces affirmations, largement répandues, méritent d’être examinées à la lumière des réalités complexes du multilinguisme contemporain. Dans un monde où les migrations, volontaires ou forcées, sont de plus en plus fréquentes, et où les identités linguistiques se superposent et s’entrechoquent, qu’en est-il vraiment de la place et du statut de la langue maternelle ?

Cet article se propose d’explorer les multiples facettes de cette question, en s’appuyant sur des observations scientifiques et des exemples concrets. Nous remettrons en question certaines idées reçues, examinerons les défis auxquels font face les individus multilingues, et réfléchirons aux implications sociales et psychologiques de la coexistence de plusieurs langues chez un même individu.

Le mythe de l'immuabilité de la langue maternelle

A. L’oubli de la langue maternelle : une réalité méconnue

Contrairement à la croyance populaire, il est tout à fait possible d’oublier sa langue maternelle. Ce phénomène, observé chez de nombreux migrants à travers le monde, est le résultat d’un processus complexe d’adaptation linguistique.

Prenons l’exemple des communautés d’émigrés : même lorsqu’ils forment des groupes homogènes, ces individus peuvent progressivement perdre la maîtrise de leur langue d’origine. Cette perte est d’autant plus prononcée lorsque les migrants se trouvent isolés dans leur pays d’accueil. Le processus d’oubli est influencé par plusieurs facteurs :

1. L’âge du locuteur : Plus une personne est jeune au moment de la migration, plus la langue du pays d’accueil a tendance à se substituer rapidement à la langue maternelle. Ce phénomène s’explique par la plasticité cérébrale plus importante chez les jeunes, facilitant l’acquisition d’une nouvelle langue, mais aussi par un désir d’assimilation souvent plus fort.

2. Le désir d’intégration : Le souhait de s’intégrer pleinement dans la société d’accueil peut pousser les individus à délaisser volontairement leur langue d’origine, perçue comme un obstacle à leur assimilation.

3. L’isolement linguistique : L’absence d’opportunités de pratiquer sa langue maternelle accélère le processus d’oubli.

B. Le “désarroi linguistique” : une réalité méconnue

Le concept de “désarroi linguistique” mérite une attention particulière. Il décrit la situation de nombreux migrants qui se retrouvent dans un entre-deux linguistique inconfortable : ils perdent progressivement la maîtrise de leur langue maternelle sans pour autant acquérir une parfaite maîtrise de la langue du pays d’accueil.

Cette situation peut avoir des conséquences psychologiques et sociales importantes :

1. Difficultés de communication : Incapables de s’exprimer pleinement dans aucune langue, ces individus peuvent éprouver un sentiment d’isolement et de frustration.

2. Perte d’identité : La langue étant un vecteur important de l’identité culturelle, sa perte peut engendrer un sentiment de déracinement.

3. Obstacles à l’intégration : Une maîtrise insuffisante de la langue du pays d’accueil peut freiner l’intégration sociale et professionnelle.

L’exemple du vieux jardinier russe mentionné dans le texte illustre de manière poignante cette situation de désarroi linguistique. Ayant presque tout oublié du russe et ne maîtrisant que très imparfaitement le français, cet homme se retrouvait dans un isolement linguistique presque total, soulevant des questions fascinantes sur les liens entre langage et pensée.

Le bilinguisme : entre mythe et réalité

A. Le bilinguisme parfait : une exception plutôt qu’une règle

Le bilinguisme vrai, défini comme une maîtrise égale et parfaite de deux langues, est en réalité un phénomène assez rare. Plusieurs facteurs influencent la capacité d’un individu à atteindre ce niveau de bilinguisme :

1. Facteurs socioculturels : Le niveau d’éducation et le milieu social jouent un rôle crucial dans le développement d’un bilinguisme équilibré.

2. Conscience linguistique : Les individus ayant une compréhension aiguë de l’importance des langues sont plus susceptibles de développer un bilinguisme vrai.

3. Effort constant : Maintenir un niveau élevé dans deux langues nécessite un travail continu et une vigilance constante.

 

B. Les défis du bilinguisme

Être bilingue ne se résume pas à parler deux langues. C’est un état qui comporte ses propres défis :

1. Interférences linguistiques : Les bilingues doivent constamment lutter contre les interférences entre leurs langues, qui peuvent se manifester par des calques ou des emprunts inconscients.

2. Risque de sabirisation : Dans les cas les plus extrêmes, notamment chez les individus les moins éduqués, on peut observer un phénomène de sabirisation, c’est-à-dire une simplification et une déformation de la langue, menant à un appauvrissement de l’expression et, par extension, de la pensée.

3. Effort cognitif constant : Maintenir deux systèmes linguistiques actifs et séparés demande un effort cognitif important et constant.

Le multilinguisme institutionnalisé : enjeux et conséquences

A. Situations de multilinguisme institutionnalisé

Dans de nombreuses régions du monde, notamment en Afrique, on observe des situations de multilinguisme institutionnalisé. Dans ces contextes :

1. Une langue officielle non maternelle (souvent le français, l’anglais ou le portugais) coexiste avec une ou plusieurs langues nationales.

2. Cette situation crée une dichotomie entre une langue dominante, imposée par l’histoire, et une ou des langues dominées, porteuses de l’identité culturelle.

B. Conséquences psychologiques et sociales

Cette situation de multilinguisme institutionnalisé a des répercussions importantes sur les individus :

1. Écartèlement identitaire : Les locuteurs se retrouvent tiraillés entre différentes identités linguistiques et culturelles.

2. Investissement affectif complexe : La langue maternelle devient souvent l’objet d’un investissement affectif nostalgique, tandis que la langue dominante peut être source de culpabilité.

3. Surcompensation linguistique : Paradoxalement, on observe parfois un attachement exacerbé à la norme de la langue dominante, comme c’est le cas chez certaines élites africaines ou haïtiennes francophones.

L'ambivalence envers la langue maternelle

A. La langue maternelle comme symbole

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, l’attachement à la langue maternelle n’est pas toujours automatique ou positif :

1. Symbole du paradis perdu : Pour beaucoup, la langue maternelle reste associée à l’enfance et à un lien privilégié avec la mère.

2. Objet de rejet : Dans certains cas, notamment lorsque la relation à la mère est problématique, la langue maternelle peut devenir objet de rejet ou de haine.

B. Le cas extrême : le rejet pathologique de la langue maternelle

L’exemple de Louis Wolfson, schizophrène ayant développé une haine pathologique pour sa langue maternelle (l’anglais), illustre de manière extrême le potentiel de rejet de la langue première. Son cas soulève des questions fascinantes sur les liens entre langue, identité et psyché.

Conclusion

L’exploration des réalités complexes du multilinguisme et de la place de la langue maternelle dans ce contexte nous amène à remettre en question de nombreuses idées reçues. Loin d’être immuable ou nécessairement chérie, la langue maternelle peut être oubliée, rejetée, ou devenir source de conflit intérieur.

Le multilinguisme, qu’il soit choisi ou imposé par les circonstances, est un phénomène complexe qui engage l’individu dans sa totalité – cognitive, affective et sociale. Il peut être source d’enrichissement personnel et d’ouverture sur le monde, mais aussi de difficultés et de tensions identitaires.

Ces réalités soulignent l’importance d’une approche nuancée et informée des questions linguistiques, tant au niveau individuel que sociétal. Elles invitent également à repenser nos politiques linguistiques et éducatives pour mieux prendre en compte la diversité des situations et des besoins des locuteurs multilingues.

Dans un monde de plus en plus interconnecté, comprendre ces dynamiques linguistiques complexes n’est pas seulement un enjeu académique, mais une nécessité pour favoriser une coexistence harmonieuse dans nos sociétés multiculturelles.

Jocelyn Godson HÉRARD, Copywriter H-Translation

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