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Créole et science : union impossible ?

Après avoir discuté sur les représentations linguistiques et leurs conséquences sociales et linguistiques, il serait intéressant de discuter du créole et de sa soi-disant incapacité à transmettre les savoirs scientifiques. Le créole aurait-il des limites qui lui sont propres qui l’empêcheraient de transmettre des savoirs scientifiques ? Voyons donc ce que pense la science.

Il y a à peu près un an que ce commentaire a été posté sous un article sur internet qui parlait de créole :

“Fort souvent, on entend beaucoup se plaindre des limites de la langue créole. Lisant cette phrase, je me suis dite que malgré tes autres arguments, celui-là doit être pris en considération. On a du mal le plus souvent à écrire des documents importants.Le fameux exemple des écrits scientifiques !”

Sur cette remarque, nous pouvons déduire que certains pensent que le créole à des limites qui lui sont naturelles et parmi ces limites, une incapacité à être langue de science. Ce qui est bel et bien consigné dans la dernière phrase du commentaire de l’internaute. Néanmoins, nous pouvons poser une question plus générale : Il y a-t-il des langues incapables de transmettre des savoirs scientifiques ?

L’une des fonctions de la langue est de pouvoir couvrir l’ensemble des besoins de la pensée humaine. Ce qui veut dire qu’au plus profond de son abstraction, dans la mesure du possible, une langue doit pouvoir traduire au mieux les intentions de la pensée. Or la pensée est complexe. Si la pensée est complexe, et que chaque langue doit pouvoir traduire ses intentions, cela veut dire qu’aucune des parlers considérés comme langue n’est simple comme on pourrait le supposer pour certaines. Les Grecs anciens semblaient avoir compris cela, car et langue et logique semblent provenir du même mot grec : “LOGOS.” Ce qui relie implicitement l’esprit à la langue. Mais malgré cela, ils n’étaient pas si différents de nous qui considérons à tort que certaines langues n’ont aucune logique. Ainsi ils appelaient les peuples qui parlaient des langues autres que le grec, Barbares.

Si la langue est liée à la logique, donc à la pensée, toutes les langues devraient pouvoir transmettre la logique peu importe son niveau d’abstraction ou de scientificité. Mais pour cela, il faudrait que la langue soit sollicitée à cet effet. En sociolinguistique, il y a un concept qu’on appelle représentation. Nous en avons déjà parlé sur ce blog. Elle englobe tous les jugements mélioratifs ou péjoratifs que les locuteurs ont sur leur langue ou d’autres langues : Elle est belle, elle est douce, le français est littéraire, le créole n’est pas fait pour la science. Ces représentations ont des effets sur la manière dont on utilise la langue et fait décider dans quel contexte ou situation qu’elle doit être utilisée. Ainsi si on pense d’avance que le créole n’est pas langue de science, jamais on ne pensera à l’utiliser pour la science. Surtout… surtout que nous sommes héritiers d’une langue beaucoup plus avancée dans le domaine de la science: le français. Ce qui fait que l’avancement d’une langue dans certains domaines précis est strictement lié au comportement de ses locuteurs.

En Europe par exemple, le latin a longtemps été la langue de science par excellence, ce qui a fait reléguer automatiquement les langues autochtones au rang de non-langues. L’italien, le français, l’anglais… et toutes les langues aussi florissantes de l’Europe avaient subi le même sort que le créole. C’est le Florentin, Dante, qui a, le premier, recensé les dialectes de l’Italien. Et ce n’est qu’au 13ème siècle que certaines langues d’Europe ont commencé à être utilisées comme langue de l’éducation, supplantant peu à peu le latin. Cette planification linguistique a eu pour conséquence de meubler ces langues afin qu’elles deviennent plus efficaces à accomplir leur nouvelle fonction. Et leur expansion aujourd’hui peut en témoigner. Mais pour que cela pût arriver, il a fallu que ces peuples aient pris conscience de leur langue.

Le niveau de civilisation d’un pays se reflète dans sa langue. Et il n’y a rien qu’un peuple veut exprimer que sa langue ne puisse traduire. Il suffit juste qu’elle soit sollicitée. Ce qui fait que, lié à la pensée, la langue est aussi liée au développement. Pour qu’une langue puisse atteindre un niveau de scientificité, il faudra qu’elle ait parmi ses locuteurs de brillants scientifiques qui l’utilisent pour écrire (Ainsi ils créeront de nouveaux termes pour de nouveaux concepts) et des traducteurs qui transposent de nouvelles connaissances scientifiques d’une langue étrangère à cette langue. Ce qui arrive souvent avec le français qui crée de temps en temps de nouveaux termes pour nommer de nouvelles réalités scientifiques. Ce que le créole fait aussi, mais pour d’autres réalités parce que la science n’est pas ancrée dans sa réalité immédiate.

Ce qui veut dire qu’aucune langue n’avait d’avance dans son répertoire tous les termes scientifiques pour chaque nouvelle réalité. La langue en tant qu’unité abstraite permet tout de même qu’on agisse sur elle. Ce qui explique pourquoi Hitler avait remplacé tous les mots allemands ayant une correspondance latine par des mots plus proche de l’allemand ; pourquoi le Madagascar avait révisé sa langue nationale afin que chacune des ethnies vivant sur son territoire puissent se sentir intégrées et unies par la langue. Ainsi, il avait intégré de nouveaux mots (plus malgaches) dans son lexique en inventant ou en empruntant à d’autres langues. Une bonne politique et planification linguistique peuvent rapidement rendre une langue apte à remplir de nouvelles fonctions comme la science et l’éducation par exemple. Pour cela nous avons l’exemple des pays de l’ex-URSS qui ont dû rapidement rendre leur langue apte à transmettre le savoir dans tous les domaines après leur rupture avec la Russie.

Alors sur la question des limites du créole, nous dirions que les limites d’une langue correspondent aux limites que ses locuteurs lui assignent. Et si le créole semble ne pas pouvoir être utilisé pour transmettre des savoirs scientifiques, c’est juste parce qu’on ne l’a pas sollicité. Pas vous ?

Jocelyn Godson HÉRARD,Copywriter H-translation.

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